Cinq, huit, dix, treize…Le décompte macabre continue. Des audacieux, bravant la peur et la mort ne cesse de ramener des corps sans vies. Le bilan est catastrophique. Le nombre exacte des vies faucher par la soldatesque du Commissaire d’Etat zaïrois de la Défense (Ministre de la défense), Honoré Ngbanda Zambo Ko Atundu, surnommé depuis « Terminator », et par la police de son collègue Tony Mandungu Bula Nyati (ministre de l’intérieur) ne sera jamais connu avec exactitude. L’escadron de la mort, composé aussi des militaires parlant portugais, prenait soin d’évacuer immédiatement les dépouilles après ‘exécution’, une répétition grandeur nature de l’Opération ‘’Lititi mboka’’ (Massacre des étudiants de Lubumbashi, il y a quelques mois).Les quelques corps qui échappent à leur vigilance sont vite amener à l’église Saint-Joseph de Matonge dans la zone (entendez commune) de Kalamu, au centre de la ville Province de Kinshasa. L’église ressemble plus à une morgue ou salle des urgences qu’à un lieu de culte. Comment en est-on arrivé là ? Comment cette journée de prière est-elle devenue ‘Le dimanche de l’Apocalypse’ ?
Après plusieurs années du monopartisme absolu, le 24 avril 1990, soit deux mois avant le sommet de La Baule qui ouvrit la voie à la démocratisation des pays africains après la chute du mur de Berlin en 1989, après consultation populaire initié par le Maréchal Mobutu à travers toute la République, le Président fondateur du Mouvement Populaire de la Révolution (MPR) prit congé de celui-ci et ouvrit la voie pour le multipartisme.
« Ce n’est donc pas La Baule qui m’a inspiré, et je ne dis pas que j’ai inspiré François Mitterrand (le Président français qui organisa le sommet) », avait précisé le maréchal zaïrois. L’avènement du multipartisme permit donc aux partis autres que le MPR d’émerger. Le « puiné » du MPR, Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS), fondé le 15 février 1982 qui évoluait dans la clandestinité depuis, organisa, quelques mois plutôt, une université dénommée ‘université d’été de l’UDPS ». Que l’UDPS ait invité ait invité un Kiakwakama Kia Kiziki et Lisanga Bonganga, des proches du pouvoir montre déjà la volonté du changement qui était dans l’esprit des zaïrois. Il y a embryon d’un dialogue permanent à instaurer, y compris avec l’armée, le bras fort du régime. « Les compagnons d’Etienne Tshisekedi, avec Raoul Nsolwa à la tête, ont réussi, à plusieurs reprises, à ‘convertir’ des militaires et policiers qui finalement ont compris que la ‘La cause que vous défendez est juste’, comme ils ont fini par affirmer.
L’idée d’une conférence nationale, en vue d’une introspection nationale qui conduira à un ‘Zaïre nouveau’ juste et prospère germa dans l’esprit nationale.
Après tergiversations au tour de la dénomination, la Conférence nationale ouvrira ses portes le 7 janvier 1991 à Kinshasa avec pour objectif : « Faire une évaluation sans complaisance de la situation politique du pays, avec tolérance et justice en vue de baliser le chemin de la démocratie et du changement social ». Il s’en suivra fermeture, réouverture en mai 1991, fermeture en aout1991, réouverture en décembre 1991. Pendant la fermeture d’Août, Jean Nguz-A-Karl-i-Bond, célèbre ancien ministre (Commissaire d’Etat) des Affaires étrangères de Mobutu passé à l’opposition, négociera un dialogue ‘directe’ Mobutu/Opposition radicale, en dehors de la conférence. De ces négociations, il sera nommé Premier Ministre. Dans son gouvernement, le célébrissime Conseiller spécial de maréchal Mobutu en matière de sécurité, Honoré Ngbanda Zambo Ko Atundu, sera ministre de la Défense nationale et Tony Mandungu Bula Nyati à l’Intérieur.
Le 19 janvier 1992,sur les antennes de l’OZRT (Office Zaïrois de Radiodiffusion et de Télévision), la chaine nationale, le Premier ministre Jean Nguz-A-Karl-i-Bond, décida de « Fermer avec FORCE » la Conférence Nationale Souveraine(CNS), au mépris de la résolution n°1 de ces assises proclamant la nature souveraine ‘du peuple réuni en conférence’, la CNS , au motifs que « les travaux de la CNS coutaient trop cher, la province du Kasaï orientale était sur représenter avec 14% des conférenciers et que la CNS outrepassait ses compétences ».
Mobutu ne faisait plus peur. La culture politique du moment avait recréé l’esprit de la résistance. Certains mouvements citoyens catholiques comme le groupe ‘Amos’ de Thierry Landu et José Mpundu, la fougue des ‘jeunes turcs’ de l’opposition tels que Jacques Matanda, Tshiyoyi Mufoncol… La coordination de la société civile avec Pierre Lumbi et François Kandolo qui avaient signé la ‘lettre d’appel au peuple de Dieu et les hommes de bonne volonté’ appelant les mouvements laïcs (Comité laïc de coordination CLC), après que Mgr Laurent Monsengwo Pasinya ait lancé « Kinshasa telema » (Kinshasa lève-toi ), appelant les catholiques à descendre dans la rue, armés de bougies, croix , Bible et rameaux pour un procession ‘pacifique’ afin de réclamer la réouverture des assises de la CNS. Cette marche de l’espoir sera réprimée dans le sang ! Pire qu’au 4 janvier 1959, « Terminator », à la demande de ses frères de dialoguer pour l’avenir du pays, offrit à Kinshasa « Le dimanche de l’Apocalypse, le 16 février 1992 ». Bizarrement, le calendrier de 2020 coïncide parfaitement avec celui de 1992 ! Signe que l’histoire peut répéter ? Personne ne le souhaite.