Jean-Pierre Bemba, le retour. Dimanche, après une longue absence, ce poids lourd de l'opposition congolaise est rentré à Kinshasa. De Tshisekedi, il attend des réformes, la lutte contre la corruption. « Mais là, il faut vraiment que cela puisse avoir lieu. La mise en place de la sécurité dans tout le pays, mais particulièrement dans les zones de l’est. Et je pense, aujourd’hui, à l’Ituri, qui est en train de s’enflammer, à Beni, également. Donc il n’y a aucun répit par rapport à la sécurité… Et surtout, en plus de cela se rajoute le problème d’Ebola, qui doit être lutté là-bas, fortement… Dans ces réformes-là, il faudrait également, au niveau économique, que nous puissions avoir une plus grande transparence dans la gestion des fonds et des projets de l’État ». RFI : Depuis dix jours, vous protestez contre l’invalidation par la Cour constitutionnelle de quelque vingt-quatre députés d’opposition, dont huit élus de votre parti MLC. Mais leur élection n’a-t-elle pas été entachée d’irrégularités ? Jean-Pierre Bemba : Mais les élections, en général, du 30 décembre 2018 ont été totalement entachées d’irrégularités. Que ce soit au niveau de la présidence, que ce soit au niveau de la députation nationale. Et cela s’est suivi au niveau sénatorial également et au niveau des gouverneurs. Aujourd’hui, ce qui se passe, malheureusement, c’est que les institutions sont fabriquées et qu’on veut encore, malgré le peu que l’on nous a donné, qui ne correspond absolument pas à la réalité, nous enlever encore des députés. Et cela, par un jeu malsain, en passant par la Cour constitutionnelle, qui devrait être la cour exemplaire au niveau des institutions. Malheureusement, ce n’est pas le cas. Nous n’avons pas d’autre solution que de faire entendre nos voix en réclamant des manifestations, bien sûr pacifiques, et conformément à la Constitution. Le président Tshisekedi a demandé au président de la Cour constitutionnelle de réexaminer ces invalidations. Qu’en pensez-vous ? Je pense que c’est une bonne attitude et j’espère qu’il va être entendu. Parce que ce qui se passe, d’abord, est une honte pour notre pays, et ensuite, cela ne va pas dans le sens de la cohésion nationale. On est en train de créer une fracture énorme. Je ne sais pas si les dirigeants se rendent compte, une grande partie de cette population se sent lésée, parce que nous nous retrouvons avec des dirigeants qui n’ont pas été élus par le peuple. Vos camarades d’opposition, Martin Fayulu et Adolphe Muzito, appellent à manifester dimanche prochain, 30 juin. Est-ce que vous serez à leur côté ? Mais bien sûr. C’est Lamuka qui appelle. C’est nous tous, les leaders de Lamuka, qui appelons à la manifestation, dimanche. Et bien sûr, nous serons tous là, présents. Vous ne craignez pas que cela dégénère ? Nous ne le souhaitons surtout pas. Parce que mon message de dimanche, c’était de demander à la population de continuer à manifester pacifiquement et de ne pas créer de désordre. Est-ce que vous vous situez plutôt du côté Katumbi ou plutôt du côté Fayulu ? Mon point de vue est que les actions, qui doivent être menées, doivent être menées dans l’intérêt de la population, sans compromission. Dans Lamuka, nous sommes unis. Il y a des positions qui peuvent diverger, mais nous sommes unis sur un même objectif. Et qu’espérez-vous du nouveau gouvernement qui est tant attendu ? Est-ce que vous espérez quelque chose qui soit plus côté Tshisekedi que côté Kabila, par exemple ? Non. Disons que je ne me situe pas là-dedans. Je pense qu’il y a un deal qui s’est passé. C’est très bien qu’un jour la population congolaise puisse lire et voir ce deal qui existe entre monsieur Tshisekedi et monsieur Kabila. Ce que nous attendons, ce sont des réformes, la lutte contre la corruption. Mais là, il faut vraiment que cela puisse avoir lieu. La mise en place de la sécurité dans tout le pays, mais particulièrement dans les zones de l’est. Et je pense, aujourd’hui, à l’Ituri, qui est en train de s’enflammer, à Beni, également. Donc il n’y a aucun répit par rapport à la sécurité… Et surtout, en plus de cela se rajoute le problème d’Ebola, qui doit être lutté là-bas, fortement… Dans ces réformes-là, il faudrait également, au niveau économique, que nous puissions avoir une plus grande transparence dans la gestion des fonds et des projets de l’État. Parce que, depuis six mois, tout ce qui se passe, c’est de gré à gré et c’est inacceptable. Et bien sûr, la réforme au niveau de la justice et également un renforcement au niveau de cette Cour constitutionnelle qui, vraiment, a créé le désordre au niveau des institutions. Quel est, à vos yeux, le calendrier, aujourd’hui ? Est-ce que vous demandez une nouvelle présidentielle d’ici la fin de l’année, comme le réclame Martin Fayulu, ou est-ce que vous êtes prêt à patienter jusqu’en 2023 ? Je pense d’abord qu’il faut être pragmatique. Avant d’arriver même à faire des élections d’ici la fin de l’année, il faudrait d’abord que nous puissions tous nous accorder dans le pays, pour qu’il y ait de nouvelles élections. Mais je ne pense pas que, dans l’intérêt des uns et des autres, et surtout dans le deal qui a été fait entre CACH et FCC, que ceux-ci seraient prêts. La prochaine échéance devrait être 2023 et à ce moment-là nous aviserons. Nous verrons ce qu’il faut faire. Et vous serez candidat en 2023 ? Je pense que c’est un peu tôt. Qu’est-ce qu’il va arriver d’ici 2023 ? Beaucoup de choses peuvent arriver. Donc je ne veux pas anticiper, ce n’est pas une obsession. Ce que je veux aujourd’hui, simplement – je ne fais pas de la politique pour mes intérêts personnels – je souhaite vraiment voir cette population sortir de la misère. Je souhaite vraiment que ceux qui veulent diriger ce pays puissent s’occuper de ces problèmes. Est-ce que Martin Fayulu, Moïse Katumbi, Adolphe Muzito et vous-même, vous allez rester ensemble jusqu’en 2023, avec une candidature unique ? Ou est-ce que votre coalition ne va pas exploser au bénéfice de vos ambitions individuelles portées par vos propres partis ? Je pense à votre parti MLC… Non, je crois que tout le monde a compris que la coalition Lamuka est un état d’esprit, est une force. C’est un label, aujourd’hui, que s’est appropriée toute la population. En tout cas, je veux dire, une grande frange de la population, une majorité de la population. Donc ce serait totalement irresponsable vis-à-vis de cette population de ne pas continuer à rester unis et soudés pour que, quelles que soient les prochaines échéances électorales, nous puissions mener le combat ensemble. Je crois que là-dessus nous sommes tous d’accord. Voulez-vous dire qu’il y a une dynamique Lamuka qui est plus forte que la dynamique MLC ? Je veux dire que le MLC contribue largement, fortement, à Lamuka. Je dis simplement que cet état d’esprit de coalition fait que nous avons la capacité de gagner. Donc ce serait absolument dommage de devoir se retirer – qui que ce soit, d’ailleurs – de Lamuka. Vous pensez à Moïse Katumbi ? Moïse Katumbi, je parle avec lui. Il n’a aucune intention de se retirer de Lamuka, que je sache. Cela, je peux vous le dire. Il n’a même pas été question d’un débat là-dessus.
03/10/2024 à 17h00
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