FCC et CACH sont engagés dans les plus longues négociations de l'histoire du pays pour former un gouvernement. De l'avis des experts, cette coalition s'avère être la voie utile pour soutenir le développement du pays, à l'issue des élections pacifiques et crédibles qui ont privé le président élu de la majorité à l'Assemblée nationale.
Alors que le peuple congolais attend la publication de la composition du premier gouvernement de la troisième législature de la IIIème République, le public se pose moult questions et attend des précisions sur la signification de certains concepts entrés en vogue à cette occasion. Le FCC et le CACH officiels annoncent un gouvernement de coalition ; des pourparlers sont en cours en ce moment à ce sujet. Quelques extrémistes du CACH, notamment de l’aile dure de l’UDPS avancent, par erreur certainement, que le Président démocratiquement élu serait légalement en mesure de composer seul un gouvernement de son obédience. Des non moins extrémistes du FCC pensent pouvoir, fort de leur majorité à l’Assemblée Nationale, imposer une cohabitation. D’autres, aujourd’hui très minoritaires, suggèrent un gouvernement d’union nationale. Qu’est-ce qui distingue ces trois types de gouvernements ? Pourquoi choisir l’un en défaveur de deux autres ? Quel type correspondrait le mieux à la situation actuelle de la RDC ? Retenons d’abord que le choix d’un type de gouvernement particulier répond à la situation socio-politique de la nation au moment de la prise de la décision.
Gouvernement d’union nationale.
Une nation complètement divisée à la suite d’une guerre civile ou d’une longue crise institutionnelle peut, pour des raisons de reconstitution de la cohésion nationale mise en mal, s’octroyer provisoirement un gouvernement d’union nationale. Ce passage permet de se donner le temps et les moyens de reconstruire l’unité de l’Etat et du pays, avant de revenir au schéma classique en démocratie, à savoir l’existence d’une majorité qui gouverne et d’une opposition qui conteste, critique et propose. L’on se souviendra que la RD Congo est passée par cet intermède, au sortir de la longue période des guerres des années 2000, par l’instauration de la formule 1+4. Après cette période spéciale et suite aux élections de 2006, le pays était revenu aux conditions de la démocratie classique. Qu’est ce qui caractérise fondamentalement les deux autres types: Le gouvernement de coalition et la situation de cohabitation.
Une base commune
Il faut d’abord préciser que la problématique de ce choix ne surgit que dans les systèmes démocratiques dans lesquels le leadership politique ressort des élections. De plus, l’un et l’autre type ne peuvent s’envisager que quand la majorité issue des élections ne coïncide pas parfaitement avec le choix opéré par le même peuple à l’élection présidentielle. En effet, il arrive souvent dans les démocraties avancées, de type occidentale, que l’Assemblée nationale soit composée par des forces politiques éparses ou alors dominées par un ou plusieurs partis franchement hostiles aux options fondamentales du Chef de l’Etat élu. Face à ce genre de contradiction, lorsque le Chef de l’Etat ne peut dissoudre l’Assemblée nationale et reprendre les élections avec l’espoir de les gagner, deux possibilités s’offrent à lui : d’une part, organiser ou subir une coalition dans laquelle se joignent ses propres forces politiques et celles de ses alliés pour faire que la gouvernance ne s’éloigne pas des valeurs à sauvegarder, d’autre part faire face à une configuration de cohabitation.
Le gouvernement de coalition
Contrairement à une équipe homogène, le gouvernement de coalition est donc celui qui unit, c’est-à-dire met ensemble, différentes forces politiques bien distinctes, mais qui, cependant, partagent les mêmes valeurs fondamentales et visent les mêmes objectifs. La coalition s’assoit sur la volonté de travailler ensemble à la mise en œuvre d’un programme commun susceptible de favoriser l’atteinte de ces objectifs. La coalition implique donc une entente, un accord pour mettre les forces ensemble et sauver ou améliorer la situation du pays. Le système de cohabitation Si l’établissement d’une coalition exige une entente qui va de la signature d’un accord de principe et qui passe par la conception d’un programme commun minimum ou détaillé et s’élargie enfin à la composition d’une équipe unique pour sa mise œuvre, le système de cohabitation part de l’idée qu’une entente allant au-delà de la nécessité du maintien de l’unicité de l’Etat est impossible. Il y a cohabitation parce que, ne pouvant travailler ensemble, le Chef de l’Etat et le gouvernement concluent de se tolérer à la tête des institutions afin de sauver l’existence de l’Etat. Alors que la coalition se présente comme l’effort de mettre en commun ce qui peut faire avancer un pays, le système de la cohabitation conclut à l’échec de mettre en œuvre une politique commune. C’est l’impossibilité ou le refus de se mettre ensemble, limitée par la nécessité de la survie de l’Etat qui impose au chef de l’Etat de tolérer ou supporter un gouvernement assis sur une majorité opposée à ses options fondamentales. La situation congolaise La RD Congo connait, en cette période, quelques importants problèmes de sécurité, l’économie ne se présente pas sous ses meilleurs jours, l’état critique de notre réseau d’infrastructures n’est nié par personne, l’instruction nationale demande à être rénovée et que sais-je encore ? Pourtant, la République demeure debout et unie sur l’essentiel, à savoir : la volonté de vivre ensemble, de préserver notre indépendance et la détermination d’améliorer les conditions de vie de nos populations. La nation soufre, certes ; mais n’est pas en danger de dislocation malgré les velléités des extrémistes, d’ailleurs très peu suivis. Ainsi, la démocratie classique peut poursuivre son bonhomme de chemin sans forcément se contraindre à l’établissement d’un gouvernement d’union nationale. Celui-ci ne saurait qu’être la réponse extrême à une crise institutionnelle profonde. Les élections de décembre 2018, que certains annonçaient comme le prélude à la guerre civile, ont abouti à un transfert pacifique et civilisé du pouvoir, l’Assemblée nationale issue du même processus fonctionne et le Sénat s’installe, il est vrai, avec quelques soubresauts maitrisés. Ceci étant, il n’y a donc pas lieu d’envisager l’installation d’un gouvernement d’union nationale. Quid alors du choix entre le gouvernement de coalition et le système de cohabitation ? Entrer en cohabitation signifierait que les leaders congolais auraient échoué à se mettre d’accord pour gouverner ensemble. Ils auront ainsi installé, à la tête de l’Etat, un couple, non pas seulement adversaire mais franchement rival. Un pays encore relativement fragile et convoité de tous les côtés comme le nôtre ne peut se permettre pareil risque. La coalition s’impose donc comme une chance, dans notre contexte de relative division, de réunir la nation autour d’une volonté de consolidation de celle-ci, d’affirmation de notre souveraineté et de mise en œuvre d’un programme susceptible de relancer l’économie nationale, la reconstruction des infrastructures mais surtout d’améliorer les conditions de vie des populations. Le tout est que la coalition s’implante dans une atmosphère de confiance acceptable par tous, de manière à construire avec espoir la République Démocratique du Congo. Sur papier, ce mariage s'annonce paisible. La coalition donnant au premier ministre, Sylvestre Ilunga Ilunkamba, une majorité stable et écrasante au parlement.