Depuis quelques jours, il se raconte qu’un complot est ourdi contre la présidente de l’Assemblée nationale. Mais aussi curieux que cela paraisse, ce complot serait l’œuvre de la majorité parlementaire. Certains gourous du FCC exigeraient le remplacement de Mabunda Jeanine par une autre personnalité. Ces membres de la plateforme de Joseph Kabila seraient convaincus, ont-ils dit, de l’incompétence et du manque de charisme de celle qui a remplacé Aubin Minaku. Certaines langues vont jusqu’à penser que cette cabale serait déjà en marche avec la signature de la pétition par quelques députés nationaux.
Qu’en est-il au juste ?
A regarder les choses de plus près, tout est calme à l’Assemblée nationale. Le gouvernement Ilunkamba s’apprête à y déposer son projet de budget, exercice 2020. Pendant ce temps, le bureau de l’Assemblée nationale continue à fonctionner normalement et s’emploie à écouter les uns et les autres à propos de la mise en place des commissions permanentes. Un compromis a même été trouvé concernant le poste de Rapporteur-adjoint qui sera occupé très prochainement par un député de l’opposition.
De quel charisme parle-t-on ? Que devait-elle faire et qui n’a pas été fait par sa faute ? Le PPRD et le FCC sont-ils privés de parole ? Leurs députés sont–ils muselés ou mal traités ? Et curieusement, personne n’ose parler de la megestion ni du détournement ! Cela est révélateur d’une chose : Mabunda gêne. Cette dame dont l’intransigeance en matière de gestion humaine et financière est connue de tous, fait de l’ombrage à certains politiques habitués à vivre des détournements et autres combines malhonnêtes.
Mabunda est à la tête de l’Assemblée nationale depuis le 24 avril 2019. Que lui reproche-t-on en si peu de temps, alors que les grands débats sur le budget ou l’interpellation des gestionnaires publics sont encore attendus du grand public ? A vrai dire, l’Assemblée nationale n’a pas encore pris sa vitesse de croisière pour juger réellement de la complaisance ou non de ses membres du bureau. C’est très tôt de parler du charisme et de la compétence, pendant que certains organes de la chambre basse sont en train d’être mis en place. C’est simplement de la haine de ceux qui pensent qu’il n’y a qu’eux qui doivent diriger et jamais les autres. Les Congolais se rappelleront que lors de l’élection des membres de ce même bureau, certains hauts cadres de la majorité avaient boudé ce choix de Kabila, estimant qu’elle était imposée.
Le choix de Kabila
Avec l’alternance au sommet du pays, la coalition Kabila-Tshisekedi avait également innové en désignant une dame à un poste élevé de la nation. Elle fait consensus entre CACH et FCC dans la mesure où elle n’est citée nulle part dans les rapports sur les droits de l’homme ou sur les détournements. Sa présence à la tête de l’Assemblée nationale crédibilise la RDC souvent accusée d’ignorer le genre et les compétences féminines. Joseph Kabila qui connait tout son petit monde qui l’entoure souvent à Kingakati a fait le choix de cette dame expérimentée et bien instruite. Ce choix a été validé par le chef de l’Etat qui ne voulait pas être en face de ces mêmes personnages autrefois vomis par une bonne partie de la population. Le FCC en récusant sans motif valable la présidente de l’Assemblée nationale, rejette automatiquement le choix de Joseph Kabila et déstabilise l’une des grandes institutions du pays.
Chaque Congolais se rappelle encore combien de temps et d’efforts il a fallu pour trouver un compromis autour des animateurs de la chambre basse. La majorité parlementaire ne peut saborder son propre choix librement consenti en l’espace de quelques mois pour plaire à certains égoïstes. La stabilité des institutions doit être le combat de la coalition si elle doit durer tout au long du mandat actuel. La déchéance de Mabunda ne profiterait qu’à certains individus convaincus du principe : ôte-toi de là que je m’y mette. Et demain, ce même groupe d’assoiffés du pouvoir n’hésiterait pas à comploter contre le président du Sénat (qui n’a même pas de parti politique) et même le président de la République, le jour où il prendrait une décision contraire à leurs aspirations. Les députés nationaux qui ont promis à leur base de défendre la constitution et les valeurs républicaines doivent faire la part des choses. S’attaquer à la megestion et au détournement et non cautionner le repositionnement et la lutte pour les postes pendant que le peuple congolais souffre et les attend sur le contrôle parlementaire, l’examen sans complaisance du budget ainsi que le vote des lois justes et significatives pour la vie des Congolais. Ils doivent faire échec à ce genre d’initiatives qui déstabilisent le pays.
Le PPRD doit parler
Dans le but de couper court à toutes ces folles rumeurs (vraies ou infondées), le PPRD auquel appartient Jeanine Mabunda doit sortir de son silence et s’exprimer. Surtout que son Secrétaire permanent et tout le bureau exécutif viennent de clôturer la tournée du parti dans l’ex-grand Katanga et sont à Kinshasa. Le PPRD ne doit pas abandonner son membre donnant l’impression que le parti fonctionne à deux vitesses selon qu’il s’agit de tel à soutenir ou de tel autre à sacrifier. Si réellement le parti de Joseph Kabila n’est pas derrière toutes ces messes noires, il doit monter au créneau et exprimer son soutien à celle qui fait sa fierté en cette période où le genre n’est pas d’application dans bon nombre de pays au monde. La déchéance de Mabunda serait une honte et un échec pour la première force politique congolaise qui se plait souvent à donner aux autres des leçons de démocratie, de loyauté et du respect des principes démocratiques.