Déconcertant et détonant : l’aveu l’est. Le chef de l’Etat rwandais l’a fait en personne le 24 juin 2022. L'information est passée inaperçue alors qu’elle a été livrée par le média en ligne Waza House (« Votre maison de l'info », en référence à une interview accordée par le chef de l'État rwandais à la journaliste kényane Zain Verjee (ancienne présentatrice de Cnn) en marge du 2ème Forum économique annuel de Qatar tenu du 20 au 22 juin dernier, forum qualifié par Jeune Afrique de « Nouveau rendez-vous annuel incontournable des grands dirigeants du monde (...) » …
Réagissant, en effet, à la problématique de cohabitation de la communauté rwandophone avec les autres communautés en terre congolaise, Paul Kagame commence par cette déclaration : « Premièrement, si vous regardez les Congolais d'origine rwandaise et comment cette question a été traitée en RD Congo, elle nécessite plus d'attention et une attention sérieuse. Si cela devait être résolu et qu'il peut l'être, cela ne fait aucun doute (...). Si vous regardez les droits des personnes, résoudre leurs problèmes est une question simple. Donc, je ne vois pas pourquoi la RD Congo ne l'a pas fait. Lorsque la communauté internationale s'est impliquée, elle a fini par faire partie du problème ».
Il poursuit : « Récemment, dans ces nouveaux combats, nous avons constaté que les forces congolaises, les Fardc et la Monusco - qui est une force des Nations Unies - et ces Fdlr qui ont commis le génocide ici au Rwanda travaillaient ensemble ».
C'est dans la troisième citation de l'article de Waza House que la vérité éclate en ce que Paul Kagame déclare : « Alors, comment la Force de l'ONU qui devrait aller combattre ces gens s'est-elle retrouvée à combattre à leurs côtés et contre le soi-disant M23, qui se bat pour les droits de ces Congolais d'origine rwandaise, et maintenant ils deviennent la cible, ils deviennent le problème ». C'est d'une clarté limpide.
Instrumentalisation de la communauté rwandophone Tutsi
Ce n'est pas une première dans les propos de Paul Kagame. Toutes les opérations militaires sur le territoire congolais entreprises directement ou indirectement depuis presqu'un quart de siècle visent en surface la neutralisation des forces résiduelles hutu (hier ex-Far et milices Interhamwe, aujourd'hui Fdlr) présentées en génocidaires, mais en réalité la protection de la communauté rwandophone tutsi que de la protection de la communauté rwandaise tout court, c’est-à-dire Tutsi, Hutu et Twa intégrés.
Dans son entendement, les autorités congolaises n'ont ni la volonté, ni la capacité d'assurer la sécurité publique aux Rwandophones de son ethnie. Pire, il met désormais dans le même sac les Nations Unies et les Fdlr.
Si son obsession, ou plutôt sa préoccupation première, en l’occurrence la protection des Tutsis peut humainement se comprendre sans pour autant la légitimer, celle de la singularisation ne peut nullement se justifier dès lors que le but unique et inique est la déstabilisation continue de la RDC.
Ce qui revient à l’instrumentalisation de la communauté rwandophone tutsi pour mettre le pays d’accueil en insécurité permanente.
Pour un tutsi land au Rwanda
En cette période, cette instrumentalisation a un effet boomerang effroyable en ce que Paul Kagame va devoir aller au bout de la logique, c'est-à-dire à offrir à sa communauté la possibilité du retour en mère-patrie .
En effet, du moment où il accepte d'accueillir des immigrés étrangers que lui envoie la Grande-Bretagne - preuve qu'il y a suffisamment d'espace pour les héberger et, pourquoi pas intégrer ceux qui voudront rester - la logique voudra et fera que la charité bien ordonnée commence par reconnaître le droit du retour en mère patrie de tous les Rwandais sans distinction, Rwandophones de toutes les Communautés sous-régionales comprises.
Autrement, c’est à la discrimination qu’il se livre. A ce propos, on sait de Paul Kagame qu’il est dans son schéma d'un Tutsiland à créer en RDC. Il est encouragé en cela par des officines occidentales oeuvrant à la balkanisation de ce pays.
Pourquoi, justement, ne pas préconiser un Tutsiland au Rwanda du moment qu’il se découvre la vocation d'être le leader et le protecteur de sa communauté tutsi mondiale ! Au moins, avec un Tutsiland au Rwanda, on aura résolu le problème d'espace géographique devenu pour lui obsessionnel.
C’est juste une question de pragmatisme
Qu’adviendrait-il alors des Tutsis qui refuseraient de le suivre dans son schéma réellement suicidaire ? Réponse vraiment simple à question simple : le juif américain est un américain juif. Il n'a jamais été à la fois américain ET israélien, détenant le droit de vote en même temps aux Etats-Unis et en Israël, même s’il a une double nationalité.
Dans cette logique, le Tutsi résolu à être et à rester Congolais n’a pas à se considérer comme rwandais à part entière. Il doit demeurer, reste et agir en congolais dans tous ses faits et gestes, dans toutes ses initiatives et actions, dans toutes ses pensées et actes.
Il doit absolument prendre conscience du fait que Paul Kagame joue plutôt la carte de sa propre survie politique que celle de la communauté rwandophone.
Dans sa dernière interview à France 24, il a déclaré en avoir encore pour 20 ans au pouvoir. Calcul d’écolier, il croit être là en 2042.
Tout rwandophone averti est appelé à se demander si, pour afficher et assumer sa congolité, il va devoir le soutenir et l’accompagner jusqu’à cette échéance.
C’est maintenant, pas demain, que tout Rwandophone établi en RDC doit choisir entre l’aventure Kagame et la certitude Tshisekedi Félix impliquant, elle, la certitude Kabila Joseph, la certitude Kabila Laurent-Désiré, la certitude Sese Seko Mobutu et la certitude Kasa-Vubu Joseph, cela au nom de la continuité de l’Etat, principe garanti dans toutes Constitutions congolaises de 1960 à ce jour.
C’est juste une question de pragmatisme.