Suite à la situation tendue entre la Rdc par le Rwanda, accusé de soutenir le M23, Mme Bintou Keita, cheffe de la Monusco s’est exprimée lors du point de presse hebdomadaire de son institution, pour affirmer qu’avec nos partenaires de l’armée congolaise, nous sommes parvenus à ramener un calme très relatif dans les deux territoires. Mais nos efforts doivent se poursuivre pour régler le problème M23 une bonne fois pour toute. Et cela passe par une réponse militaire ferme à toute provocation ou attaque, une réponse politique où chacun s’engage de bonne foi, une réponse opérationnelle enfin. « La réémergence du M23 nous rappelle douloureusement l’urgence absolue de lancer l’opérationnalisation du Programme DDRCS province par province », dit-elle, avant d’ajouter que si nous n’allons pas au bout des programmes de désarmement, démobilisation et réintégration des anciens combattants, sur une base communautaire, nous aurons toujours le risque de voir des groupes armés se reconstituer et redevenir une menace pour la population civile. C’est pourquoi, martèle-t-elle, il faut au plus vite engager la désescalade, obtenir que les groupes armés, notamment le M23, déposent les armes sans conditions, et assurer une réponse régionale et internationale unie, sincère et déterminée.
Déclaration à la presse de la Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies en République démocratique du Congo, Bintou Keita
Je viens de passer maintenant plus de 10 jours à Goma – engagée, tout comme la Mission que je dirige, aux côtés de l’armée congolaise pour faire face aux attaques du M23 et à leurs conséquences sur la protection des civils.
Je voudrais d’emblée lancer un appel clair à la désescalade, à l’apaisement et à la retenue. Les violences qui ont secoué les territoires de Rutshuru et de Nyiragongo ne profitent à personne. Les attaques, les tensions, la désinformation ne font qu’ajouter de l’instabilité à l’instabilité, du désordre au désordre et de la souffrance à la souffrance.
Plus de 70 000 personnes ont été déplacées par la violence depuis le 19 mai. Des centaines ont traversé la frontière avec l’Ouganda pour chercher asile.
Pour la première catégorie de personnes, puisque notre focalisation est de ce côté de la frontière, les Nations Unies se mobilisent pour leur apporter une assistance humanitaire, en eau et en nourriture notamment. Mais le plus important pour ces personnes, c’est de rétablir la sécurité dans les zones où elles habitent afin qu’elles puissent reprendre le cours de leur vie.
Avec nos partenaires de l’armée congolaise, nous sommes parvenus à ramener un calme très relatif dans les deux territoires. Mais nos efforts doivent se poursuivre pour régler le problème M23 une bonne fois pour toute.
Cela passe par :
1) Une réponse militaire ferme à toute provocation ou attaque.
La MONUSCO a utilisé tous ses moyens, y compris ses hélicoptères, pour riposter aux attaques lancées contre elle et soutenir l’armée congolaise. Elle continuera à le faire, en plaçant toujours la protection des civils au cœur de sa stratégie, mais avec la plus grande détermination, dans le strict respect des droits de l’homme et du droit international humanitaire.
2) Une réponse politique où chacun s’engage de bonne foi.
Les pays de la région ont créé eux-mêmes des mécanismes, notamment le Mécanisme Conjoint de Vérification Elargi chargé de surveiller et de mener des enquêtes sur les incidents de sécurité dans la région des Grands Lacs. C’est la collaboration et la transparence qui doivent prévaloir.
3) Une réponse opérationnelle enfin.
La réémergence du M23 nous rappelle douloureusement l’urgence absolue de lancer l’opérationnalisation du Programme DDRCS province par province. Je voudrais d’ailleurs insister sur ce dernier point. Si nous n’allons pas au bout des programmes de désarmement, démobilisation et réintégration des anciens combattants, sur une base communautaire, nous aurons toujours le risque de voir des groupes armés se reconstituer et redevenir une menace pour la population civile.
Cette menace, les populations du Rutshuru l’ont subie ces dix derniers jours avec brutalité. Mais les populations de l’est du pays en général y font face de façon continue. Dans le Petit Nord, dans les Hauts-Plateaux du Sud-Kivu, dans la région de Beni, dans les territoires d’Irumu, de Djugu, de Mahagi. La MONUSCO continuera de travailler étroitement avec votre armée, votre police, vos autorités, pour protéger autant que possible les populations civiles prises au piège de cette violence.
Il ne faut pas se voiler la face : des évènements comme ceux que nous avons connus depuis 10 jours ont des conséquences sur l’ensemble du pays. Mobiliser votre armée, mobiliser nos casques bleus, redéployer des troupes, a forcément des implications négatives sur les autres régions où l’armée nationale et la MONUSCO opèrent. Et donc sur les populations qui dépendent de nous pour leur sécurité, notamment face à la folie meurtrière des ADF ou de la CODECO.
C’est pourquoi il faut au plus vite engager la désescalade, obtenir que les groupes armés, notamment le M23, déposent les armes sans conditions, et assurer une réponse régionale et internationale unie, sincère et déterminée.
Je me félicite du soutien qui nous a été manifesté par les autorités de ce pays, par le Conseil de sécurité des Nations Unies, par l’Union africaine, par nos partenaires internationaux ici en RDC et plus généralement par beaucoup de citoyennes et citoyens de ce pays.
Je me réjouis en outre que, le 20 mai, le Conseil des Ministres ait adopté le projet de loi de programmation militaire couvrant la période 2022-2025. Il s’agit-là d’une étape cruciale dans le processus de montée en puissance des FARDC – une étape d’autant plus importante dans le cadre de la stratégie de retrait de la MONUSCO. J’encourage donc le parlement à porter une attention particulière à ce texte qui, mis en œuvre et financé de manière adéquate, permettra aux FARDC de protéger par leurs propres moyens l’entièreté du territoire congolais.
J’en appelle à la responsabilité de tous : il est essentiel de trouver des solutions constructives et durables ensemble. De neutraliser militairement le M23. Et de retrouver le chemin de la confiance et du dialogue entre partenaires régionaux. J’exhorte aussi les Congolais à rester unis et à ne pas céder aux discours incendiaires.
L’Envoyé spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour la Région des Grands Lacs ne ménagera aucun effort en ce sens. De mon côté, je tiens à vous assurer de l’engagement total de la MONUSCO aux côtés de vos forces de sécurité. Nous avons riposté ensemble aux attaques du M23, nous menons des opérations conjointes contre les ADF et la CODECO, nous sommes mobilisés avec vous, pour servir la population congolaise.
La MONUSCO soutient également autant que possible le processus de Nairobi. Car il n’y a pas de solution strictement militaire contre les groupes armés en RDC. Il faut évidemment une réponse militaire, mais il faut aussi des mesures politiques, des mesures de bonne gouvernance et de justice, des mesures de promotion et de respect des droits de l’homme, des mesures de réconciliation et de dialogue.
Je le redis : c’est uniquement dans l’unité d’action et dans la