Cet article est une lecture rétrospective de la célébration de la journée internationale des droits de la femme au Congo –Kinshasa, précisément à Kinshasa, capitale politique de la RDC et le miroir de cette dernière. Cette lecture rétrospective a pour toile de fond l’exhumation de la mise en exergue de l’imagination et de la créativité de la femme congolaise par le philosophe Mudimbe Vumbi Yoka.
Vantant les vertus de la femme congolaise, ce philosophe de grande renommée affirme que « L’échec de ce pays est dû aux hommes irresponsables qui n’ont pas su utiliser l’imagination et la créativité des femmes de ce pays » (Le Potentiel n°1949 cité par Kabongo Malu 2000 : i).
L’imagination et la créativité de la femme pour servir sa nation sont résumées par Théroigne de Méricourt dans son discours intitulé « Citoyennes armons nous ! » prononcé le 25 mars 1792 à la société fraternelle des Minimes quand elle dit : « Citoyennes, n’oublions pas que nous nous devons tout entières à la Patrie, qu’il est de notre devoir le plus sacré de resserrer entre nous les liens de l’union, de la confraternité (…) ».
Le philosophe et la militante française des droits de la femme convergent tous deux sur le rôle de la femme qui doit considérer comme reposant sur ses seules épaules le destin de sa nation.
Dans un pays comme la RDC où les femmes représentent 51% de 90 millions d’habitants (Annuaire de statistique RDC de mars 2021), les questions qui ont motivé cette réflexion sont : La femme congolaise est- elle organisée pour jouer en âme et science le rôle qu’on attend d’elle pour développer la RDC ? La célébration du 8 mars est – elle une occasion pour la femme congolaise de rendre compte des activités organisées sur base son imagination et sa créativité ?
A ces deux questions, la réponse est que le parasitisme politique, social et professionnel, d’un côté et, de l’autre, la bibliophobie inhiberaient l’imagination et la créativité de la femme congolaise de jouer son rôle évoqué par Mudimbe Vumbi Yoka et Théroigne de Méricourt.
Dès lors cette réflexion tente de répondre à une question fondamentale: C’est quoi le 8 mars ? Pourquoi célébrer le 8 mars ? Comment célébrer le 8 mars ?
C’est quoi le 8 mars ?
Le 8 mars est la date officielle de la célébration de la journée internationale des droits de la femme. Elle tire ses origines dans la lutte des femmes travailleuses et ouvrières de New York qui manifestèrent le 8 mars 1857 pour revendiquer les meilleures conditions de travail et la durée de 10 heures de travail par jour.
En 1977 l’Organisation des Nations Unies a officialisé la journée internationale des droits de la femme qui est désormais célébrée le 8 mars de chaque année. Les droits qui ont été reconnus ce jour là à la femme sont le droit de vote, le droit au travail et la fin de la discrimination de la femme.
Pourquoi célébrer le 8 mars ?
Célébrer le 8 mars c’est non seulement honorer la mémoire des femmes qui ont lutté pour la reconnaissance des droits de la femme, mais aussi s’engager à protéger, défendre et promouvoir ces droits.
Pareil engagement n’est possible que si les femmes sont armées des connaissances nécessaires pour être résilientes dans leur lutte. C’est l’avis de Théroigne de Méricourt ci-haut citée qui demandait déjà aux femmes françaises de s’élever à la hauteur de leurs destinées, de briser leurs fers tout en précisant qu’il était temps que les femmes sortissent de leur honteuse nullité où l’ignorance, l’orgueil et l’injustice des hommes les tenaient.
Stigmatisant de son côté, l’ignorance, l’orgueil et l’injustice des hommes, dans son discours intitulé « Veuillez être leurs égales » prononcé en avril 1848 au Comité Central électoral français, George Sand mettait en exergue l’intelligence et l’humanité comme éléments égalitaires entre l’homme et la femme. A ce sujet, elle dit : « il ne m’a jamais semblé possible que l’homme et la femme fussent deux êtres absolument distincts. Il y a diversité d’organisation et non pas de difference(…).J’admets physiologiquement que le caractère a un sexe comme corps, mais non pas l’intelligence ».
Le 8 mars est donc la date de la libération de la femme de l’aliénation. Jules Girardi (1972 : 77) montre que « l’aliénation est la situation de celui qui n’est pas pleinement lui-même, qui ne réalise pas ses possibilités les meilleures et les plus originales, qui réprime et gâche ses énergies. ». Elle est ensuite le fait de ne pas pouvoir choisir, de ne pas avoir l’initiative de sa propre vie, d’être « exproprié ». Elle est enfin le sentiment de ne pas être un sujet, mais un objet.
Libérée ainsi de l’aliénation, la femme devient capable de manifester et réaliser toutes les richesses qui étaient étouffées en elle : richesses de liberté, de science, de sagesse, d’invention, d’imagination, de créativité…
Toutes choses restant égales par ailleurs, la femme congolaise devrait s’inspirer des femmes comme Théroigne de Méricourt, George Sand et les travailleuses et ouvrières de New York afin de constituer au Congo – Kinshasa un modèle des femmes capables de s’approprier la nouvelle feuille route standard : l’effort et la performance par un culte de l’excellence.
Comment célébrer le 8 mars ?
Le 8 mars est une occasion donnée, naturellement, aux groupes et associations des femmes militantes des droits des femmes de faire le bilan de leurs activités, de fêter les victimes et les avancées de leur lutte.
En pareille circonstance, au-delà des prérogatives reconnues à chaque pays membre de l’ONU comme la RDC, célébrer le 8 mars 2022 au Congo - Kinshasa supposait que les groupes et les associations des femmes fissent le bilan de leurs activités en se fondant sur le thème national de 2021 « Leadership féminin d’excellence pour une société égalitaire et numérique à l’ère de la Covid-19 » afin d’aborder avec succès le nouveau thème 2022 « autonomisation des femmes et filles dans le contexte de lutte contre le changement climatique et la réduction des risques des catastrophes ».
Hélas, l’une des déviations de la célébration du 8 mars 2022 à Kinshasa, capitale politique de la RDC, est sa pure réduction à une journée d’habillement de la femme dans ce qu’on appelle communément uniforme, de prendre de la bière dans des terrasses jusqu’au petit matin, de manger la viande des porcs, des chèvres et des « poulets mayo » cuits dans des fours implantés le long de certaines artères principales de la capitale, danser, chanter… Il a fallu être dans certains coins ambiants de la capitale comme Kapela, Kimbuta, Bandal…po