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Prophète sans Eglise, N° 12 : Sauve-toi, il y va de ta vie !

Dans le cadre de la promotion des valeurs de la personne humaine face aux tendances socioreligieuses qui accordent la priorité au salut de la collectivité au détriment de celui de l’individu, la bible judéo-chrétienne regorge de paradigmes parmi lesquels cette réflexion retient celui du salut de Loth, lors de la destruction de Sodome : « Comme ils [les deux anges] le menaient dehors, ils dirent à Loth : ‘Sauve-toi, il y va de ta vie. Ne regarde pas derrière toi, ne t’arrête nulle part dans le District ! Fuis vers la montagne de peur de périr’. » (Genèse 19,17).

Tout le monde connait le récit biblique, devenu légendaire, de la colère de Dieu exercée sur les villes de la Pentapole ou les cinq villes de la « Plaine du Jourdain », à savoir Sodome, Numeira [Gomorrhe], Adma, Cevoïm [Seboïm] et Bèla ou Çoar – seule cette dernière ville aurait été épargnée de la destruction décidée (cf. Genèse 14,2). Parmi ces villes, les plus citées sont Sodome et Gomorrhe (cf. Genèse 18-19). En effet, le constat du Seigneur est grave, et irrévocable sa décision : « La plainte contre Sodome et Gomorrhe est si forte, leur péché est si lourd que je dois descendre pour voir s’ils ont agi en tout comme la plainte en est venue jusqu’à moi. Oui ou non, je le saurai. » (Genèse 18,20-21). Réagissant, Abraham le supplie d’avoir pitié de ces deux villes, parce que son neveu Loth y habite avec sa famille (cf. Genèse 18,22-33). En fin de compte, Loth et sa famille (excepté sa femme qui aurait trahi !) sont sauvés de cette catastrophe : « Or, quand Dieu détruisit les villes du District, il se souvint d’Abraham, et il retira Loth au cœur du fléau quand il bouleversa les villes où Loth habitait. » (Genèse 19,29).

Comment comprendre ce choix porté sur Loth et sa famille – sur des individus, alors que la ville entière se consumait ?

D’abord, le salut de Loth est fondamentalement le choix de Dieu qui est allé jusqu’à user de la violence pour l’amener à sortir immédiatement de la ville (Genèse 19,16-17 ; cf. Luc 14,23 ; 16,16). En effet, malgré les appels pressants du Seigneur, Loth « s’attardait » quant à s’amender (Genèse 19,15). Par la suite, conscient de la grâce d’être trouvé « juste » parmi tous les habitants de Sodome, Loth finit par coopérer au plan divin du salut de l’humanité.

Ensuite, le salut de Loth et sa famille est une conséquente de l’intercession d’Abraham. On dirait que c’est en vertu de la foi d’Abraham que son neveu Loth est soustrait du sort des autres habitants de Sodome : le Seigneur « se souvint d’Abraham, et il retira Loth au coeur du fléau … ». Dans la mentalité biblique, beaucoup d’individus accueillent le salut de Dieu sur base des intercessions d’autres individus (liés par le sang, l’alliance, la croyance, etc.) marqués du sceau de la foi et/ou trouvés « justes » aux yeux de Dieu (cf. Luc 7,3-5 ; Marc 2,3-5, etc.). Ce présupposé théologique autorise de croire d’un point de vue transhistorique et universel que l’intercession d’une personne trouvée « juste aux yeux de Dieu » – indépendamment de ses allégeances sociopolitiques ou religieuses – produit ses effets dans la vie de celui ou celle en faveur de qui le salut de Dieu est invoqué.

Enfin, la conduite personnelle de Loth, dans sa relation à Dieu – mais pas nécessairement dans sa relation avec Abraham, pour ne pas rappeler la querelle évoquée en Genèse 13,7 ni les interventions subséquentes de celui-ci en faveur de son neveu) – est déterminante pour le salut. En se désolidarisant de la conduite des impies de Sodome, mais aussi en accueillant les deux « anges déguisés » (en imitation d’Abraham ?), Loth fait preuve de l’éthique de responsabilité opposée à celle des habitants de Sodome qui « étaient des scélérats qui péchaient gravement contre le Seigneur » (Genèse 13,13). Il se comporte en une personne ayant fait une rencontre mystique avec Dieu qui lui a conféré une mission. Aussi, dans la version coranique, Loth est-il présenté comme un prophète envoyé pour témoigner d’Allah à « Sodome » (en réalité le nom de Sodome n’y est pas explicitement attesté : Coran 15,67) et les avertir que leur comportement peut susciter la colère de Dieu : « Loth leur dit : ‘Je suis pour vous un messager digne de confiance. Craignez Allah donc et obéissez-moi’ » (Coran 26,162-163). Bien plus, l’hospitalité de Loth y est interprétée comme un acte de désobéissance civique : « Ils [les habitants de la ville] dirent : ‘Ne t’avions-nous pas interdit de [recevoir] du monde ?’ » (Coran 15,70). Cette désobéissance lui valut des menaces d’exclusion de la ville, si bien qu’il se mit à intercéder pour lui-même : « Seigneur, sauve-moi ainsi que ma famille de ce qu’ils font » (Coran 19,169). Opposée, cependant, à la conduite personnelle de Loth est l’attitude de sa femme qui « regarda en arrière » (Genèse 19,26 a) ou qui « resta en arrière parmi ceux qui périront » (Coran 29,32), péchant ainsi par violation de consigne, c’est-à-dire par désobéissance au Seigneur (cf. Genèse 19,17 b).

Une lecture minutieuse de ces récits d’allure mythique peut révéler bien des leçons pour les contemporains qui choisissent d’écouter la voix de Dieu sur l’itinéraire qui mène au salut :

1. La personne qui fait l’expérience mystique de la rencontre personnelle avec son Dieu peut intercéder efficacement, non seulement pour elle-même, mais aussi pour son prochain (membre de famille, coreligionnaire, collègue, étranger, etc.), et celui-ci se trouve sauvé du danger qui le guette ou qui l’éloigne de la présence béatifique de Dieu.

2. La coopération de la personne à sauver est nécessaire. Une telle coopération suppose que la personne se dispose à marcher sur les voies de Dieu telles qu’elles se révèlent à elle, notamment en faisant confiance à l’Esprit du Seigneur et en respectant les règles du jeu – la consigne.

3. La personne à sauver doit également comprendre que Dieu emprunte des voies multiples, parfois insoupçonnées, pour réaliser le salut de ladite personne. Si pour Loth il s’est déguisé en un « ange » ou un étranger en quête d’une famille d’accueil et a usé de la violence en vue de sortir son élu de la ville vouée à l’anéantissement, pour un contemporain il peut se présenter comme un facilitateur ou comme un bourreau, selon que les circonstances des temps, des lieux, des personnes ou d’autres l’exigent. D’une part, l’action d’un facilitateur, mieux d’un conseiller à proximité ou à distance, agissant consciemment ou non au nom de Dieu, doit être prise en considération par la personne à sauver. Il en résulte alors du respect pour le facilitateur et de la reconnaissance en faveur de ce dernier, dans le processus conduisant à la libération effective de la personne encore menacée d’être maintenue dans la servitude ou la dépendance d’un système d’aliénation et d’oppression à l’instar de celui de Sodome. Dans un premier temps, en effet, les deux « anges » ont agi en véritables conseillers de Loth vis-à-vis de la catastrophe imminente qui allait frapper la ville. D’autre part, l’usage de la violence qui sauve, puisque ce paradigme se dégage de la présente réflexion, est une variable dont la victime doit analyser le sens profond afin de capitaliser et d’orienter positivement son énergie spirituelle sur le chemin de libération. C’est dans un second temps, en effet, que les deux « anges » sont passés à l’usage de la force, tout pour sauver Loth et sa famille du fléau réservé aux habitants de Sodome et des villes voisines. Fort heureusement, Loth leur fit foi et se laissa traîner hors de la ville. Il comprit que la violence des &la



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