Le premier policier à prétendre donner les noms des tous les participants au double meurtre, présents le jour de l’assassinat du Directeur exécutif de l’Organisation non gouvernemental (ONG), « La voix des sans voix (VSV) », Floribert Chebeya et son chauffeur Fidel Bazana, fut Paul Mwilambwe. C’était sur Radio France Internationale (RFI), le 12 Novembre 2012. Depuis, il n’a cessé de dénoncer cet assassinat qui, du reste, est l’un des plus médiatisés des crimes politiques de ces vingt dernières années. Dans sa sortie médiatique, ce policier a donné les noms de ceux qu’il prétend être ‘tous les protagonistes présents ce jour-là’ ceux qui ont, chacun en ce qui le concerne, joué un rôle dans ce qui est connu sous le concept de ‘Affaire Chebeya’. Parmi eux, il avait cité Hergil Ilunga. Même s’il n’a jamais fait partie des accusés dans ce dossier, ce dernier vient de faire un buzz qui emballe la toile ces jours. Est-ce, finalement le nœud glissant autour du cou du présumé commanditaire ou juste une nouvelle diversion dans la manipulation des masses ?
Lors de sa récente sortie médiatique, Hergil Ilunga (adjudant de la police nationale au moment des faits), revendique être membre du commando de sept policiers qui était chargé d’exécuter le Directeur exécutif de l’ONG « La voix des sans voix», Floribert Chebeya et son chauffeur Fidèle Bazana. Si le Directeur exécutif a été retrouvé le 2 juin 2010 à Mitendi, en périphérie de Kinshasa, asphixié dans sa voiture avec des préservatifs éparpillés sur le sol, le corps de son chauffeur Fidèle Bazana n’a jamais été retrouvé, plus de dix ans après les faits.
Dans son récit, l’ancien policier cite plusieurs noms dont des officiers supérieurs de l’Inspection à la Direction des renseignements généraux et services spéciaux et des officiers du bataillon « Simba », l’ancienne unité de l’armée reversée dans la Légion nationale d’intervention rapide (PIR) dont certains d’entre leurs responsables sont actuellement sous sanctions des États-Unis et de l’Union européenne. Il citera son supérieur hiérarchique, le Colonel Daniel Mukalayi, Inspecteur général à la Direction des renseignements généraux et services spéciaux et le Chef de l’opération du jour Christian Ngoy Kenga Kenga qui, affirme-t-il, recevait les ordres de la ‘hiérarchie’, qui serait selon ses propos, le commanditaire de l’opération.
Le numéro un de l’IGP (Inspection générale de la Police) était John Numbi qui, depuis juillet 2020, a été écarté de tout poste de commandement. Le major Christian Ngoy Kenga Kenga, en fuite depuis plus de dix ans, avait été condamné par contumace pour l’assassinat de M. Chebeya et Bazana. Depuis l’arrivée au pouvoir de Félix Antoine Tshisekedi, pratiquement tous ceux qu’il a cité, s’ils ne sont pas aux arrêts ou suspendus de leurs fonctions, ils sont en cavale. Le major Kenga Kenga a été arrêté quelques semaines plus tard à Lubumbashi et transféré à Kinshasa le 3 septembre 2020.
Dans sa sortie médiatique, Hergil Ilunga, a indiqué le site où était enterré Fidèle Bazana. Le propriétaire foncier du site indiqué, un officier supérieur qui a été contacté par RFI, avait nié les faits et dément toute implication dans le double meurtre. Toutefois, selon les sources onusiennes, il est l’un des principaux suspects comme maître d’œuvre. Il sied de signaler que la partie de la concession de Mitendi, sur le terrain vague décrit comme site où a été enterré le corps de Bazana a été vendu et des maisons clôturées y sont érigées.
« Ces nouvelles révélations dans l’affaire Chebeya constituent assurément de nouveaux éléments qui devaient inciter les autorités à rouvrir le dossier dans des conditions permettant enfin d’identifier l’ensemble des responsables. Il faut commencer par sécuriser le corps de Fidèle Bazana, s’il s’avère être à l’endroit dévoilé », a déclaré à RFI Alice Mogwe, Présidente de la FIDH et Directrice de Ditshwanelo- The Botswana Center for Human Rights et RFI a sollicité à la direction de la Police nationale Congolaise pour demander statut et l’affectation des différents cités par MM. Hergil et Alain Kayeye Longwa.
Et s’il s’avérait que leurs témoignages n’étaient pas conformes aux faits ?
Et s’il s’avérait que leurs témoignages ne soient pas conformes aux faits ? La RFI qui sollicite la direction de la Police nationale Congolaise pour demander statut et l’affectation de différentes cités par MM. Hergil et Alain Kayeye Longwa, dans cette affaire est dans ses droits. Mais des fois l’attitude des medias occidentaux lorsqu’ils traitent les dossiers se rapportant au droit de l’homme dans la République démocratique du Congo, ne semble pas toujours équitable.
Nul n’a le monopole de la vérité et la justice reconnait la présomption d’innocence à tous les prévenus. Malgré la passion et l’indignation que suscitent cette affaire, « l ’Affaire Chebeya » n’est pas le premier ‘crime’ d’Etat qui fasse le buzz dans la presse occidentale. L’on se souviendra du « massacre des étudiants de l’Université de Lubumbashi » qui aurait fait des dizaines des morts selon la presse occidentale. Mais plus de 23 ans après la disparition du Maréchal, malgré l’appel à témoins lancé à la Conférence nationale souveraine, le nombre d’un mort avancé par la commission d’enquête et le témoignage du gouverneur Koyagialo de l’ex-Province du Shaba (Katanga), le nom de la deuxième victime n’a jamais été apporté. Ce qui ne manque pas de soulever des interrogations. « La presse occidentale ne créé –t-elle pas de buzz juste pour la diversion dans une stratégie de manipulation des masses pour attirer l’opinion loin des enjeux de l’heure ? Pourquoi l’assassinat de Lumumba en 1961, reste couvert des mystères ? Et l’assassinat de l’ambassadeur de France dans son bureau à Kinshasa ? L’Affaire Minembwe et le Rapport Mapping, pourquoi hibernent-ils ? Le droit de l’homme est un concept noble et le meurtre crapuleux de Chebeya mérite d’être tiré au clair pour que le droit soit dit et la justice faite. Toutefois, la presse occidentale doit réserver un traitement équitable pour toutes les affaires de violation des droits humains et par les dirigeants congolais et par la Communauté internationale. Que le droit de l’homme ne serve pas de fonds de commerce pour une certaine volonté politique tant au niveau national qu’international. Autant que l’on condamne les violations des droits de l’homme, dont le double meurtre de Chebeya et Bazana, autant l’on doit condamner toute tentative de manipulation de l’information au service de la volonté politique. Ni en RDC, ni à l’étranger.