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Proposition de Modification de la Loi n°22-069 dite « Loi bancaire » par l'Honorable KASANDA KATUALA Olivier en 5 Points

Le 27 décembre 2022, la République Démocratique du Congo (RDC) a adopté la Loi n°22-069, visant à réformer le cadre réglementaire des établissements de crédit. Bien que cette initiative paraissait au départ prometteuse sur le papier, elle a au fur et à mesure soulever de sérieuses préoccupations quant à la viabilité des institutions financières du pays.

Une proposition de loi visant à réformer ces dispositions a été initiée par le député national Kasanda Katuala Olivier et a récemment obtenu un avis favorable du Bureau d’études de l'Assemblée Nationale. Transmise le vendredi 25 octobre 2024 au gouvernement pour observations, cette initiative pourrait représenter un tournant majeur pour la régulation du secteur bancaire en RDC. Voici, ci-dessous, les grandes lignes de cette proposition de loi, résumées en cinq points :

1. La Dilution du Capital Social : Une Exigence Contre-Productive

L'une des dispositions les plus controversées de la Loi n°22-069 concerne l'obligation de diluer le capital social entre au moins quatre actionnaires, chacun devant détenir au moins 15 % du capital conformément à une Instruction réglementaire de la BCC. Cette exigence, inscrite à l’article 11 de la loi, soulève des craintes légitimes dans un contexte déjà instable, tant sur le plan politique qu'économique. 

- Fragilité des structures financières : Dans un pays en proie à l’instabilité, imposer une telle exigence fragilise des structures essentielles au financement de l’économie locale. Cela pourrait perturber les relations établies entre les banques, leurs clients et partenaires, déstabilisant ainsi leur modèle économique.
  
- Obstacles à l'investissement : Les investisseurs, déjà réticents à entrer dans un marché perçu comme risqué, pourraient considérer cette obligation comme un obstacle infranchissable, réduisant ainsi les investissements dans le secteur. 

2. De l'alignement sur les normes internationales

- Comparaison régionale : D’autres pays africains, comme ceux de l'Union Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) et de la Communauté Économique et Monétaire de l'Afrique Centrale (CEMAC), n'ont pas instauré de telles contraintes. La RDC, en maintenant cette exigence, se positionne en "canard boiteux" au sein de l’espace OHADA qu’elle partage avec ces pays.

- Normes internationales : comme indiqué ci-dessus, la plupart des pays voisins n'imposent pas de dilution du capital social dans leurs législations. Au contraire, la tendance est d'interdire aux institutions financières de prendre la forme de sociétés unipersonnelles. Cela souligne la nécessité d’adapter la législation congolaise pour l’aligner aux meilleures pratiques africaines.

3. Équilibre des intérêts et gouvernance efficace

- Prise de décision : En plus d’avoir un effet dissuasif sur les investisseurs, la dilution du capital entraîne une fragmentation des décisions, rendant plus difficile l'alignement des intérêts des actionnaires. Dans un secteur complexe comme la finance, une prise de décision cohérente et rapide est essentielle.

- Actionnaires majoritaires : La nécessité d'une exigence de dilution du capital social apparaît comme superflue dans un contexte où le secteur bancaire congolais est dominé par des structures à actionnariat majoritaire. En effet, les trois banques systémiques de la RDC (TMB, RAWBANK et EQUITY-BCDC) contrôlent ensemble plus de 50 % du marché, chacune étant détenue à plus de 80 % par un actionnaire majoritaire. De plus, la plupart des autres banques sont des filiales de grands groupes bancaires africains, qui elles-mêmes sont entièrement détenues (100%) par leurs maisons mères. Dans ce paysage, l'imposition d'une telle exigence ne semble pas pertinente et pourrait même nuire à la stabilité et à l'efficacité de ces institutions financières.

-  Non-conformité : Aucune de ces banques n'a pu se conformer à l'exigence de dilution du capital, ce qui les place toutes hors la loi, nécessitant une correction par la modification de ces dispositions problématiques.

- Mise en place de règles de bonne gouvernance : Plutôt que d'imposer une dilution du capital social, les efforts devraient se concentrer sur l'établissement et le respect de règles de gouvernance solides, tels que des conseils d'administration compétents et des comités spécialisés (audit, risques, conformité, etc.). 

- Contrôles et Audits : Des audits externes réguliers, y compris ceux de la BCC, peuvent fournir une protection supplémentaire contre les abus potentiels tout en renforçant la transparence et la responsabilité au sein des établissements de crédit.

4. Exigence de nationalité : Un risque de pénurie de compétences

- Quota majoritaire de dirigeants nationaux : Cette exigence a des conséquences immédiates sur la gouvernance des établissements de crédit, qui n'ont pas été préparés à un tel changement soudain.

- Proposition de transition : Il est proposé de maintenir l’exigence d'une implication majoritaire des Congolais dans la gestion, mais d'y associer une période transitoire adéquate. Cela permettra aux établissements de s’adapter progressivement tout en développant les compétences locales nécessaires.

5. Insécurité juridique : Un frein à la confiance

- Situation de non-conformité : Plus d'un an après l'entrée en vigueur de la loi, les banques commerciales principalement n'ont pas réussi à se conformer aux nouvelles exigences, ce qui engendre une insécurité juridique sans précédent.

- Répercussions sur la confiance : Cette situation pourrait avoir des conséquences désastreuses sur la confiance des partenaires internationaux et des déposants, qui pourraient hésiter à collaborer avec des banques ne respectant pas la “loi”.

- Risques de retrait des dépôts : A termes, les déposants, inquiets pour la sécurité de leurs fonds confiés à des banques en situation de “hors-la-loi”, pourraient être tentés de retirer leurs économies, entraînant une crise de liquidité.

- Sanctions : Les établissements non conformes et leurs dirigeants se trouvent exposés à des sanctions graves, y compris des amendes (entre 250.000 et 750.000 USD) et le retrait d’agrément.

Un appel vibrant est lancé vers les décideurs (gouvernement et parlement) pour qu’ils prennent en compte ces préoccupations afin de garantir la pérennité des institutions financières et de restaurer la confiance nécessaire au développement du secteur bancaire du pays. Une réforme qui privilégie la solidité du capital social et la compétence des dirigeants est non seulement souhaitable, mais essentielle pour assurer la stabilité et la compétitivité du système financier congolais.



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